Deux BD d’Alison Bechdel

Et si on parlait littérature ?
La bd ou les héros sont aussi Proust Woolf Joyce et Winnicot et … la mère…

c'est toi ma mamanSa mère a cessé de l’embrasser quand elle a eu 7 ans. C’est une clé dans la quête labyrinthique d’une femme cherchant encore aujourd’hui à capter la reconnaissance de sa mère. Il y en a d’autres, beaucoup d’autres. Alison Bechdel prend sa vie à bras le corps et nous comme lecteur nous revivons une partie de la nôtre.
« Ecrire de la fiction ne m’intéresse pas, explique-t-elle au passage. Je ne peux pas inventer des choses. Ou plutôt je ne peux inventer qu’à partir de choses qui se sont déjà produites. »
Les amateurs de BD la connaissent peut-être, certaines féministes appliquent le test qui porte son nom aux films et séries télé, en tout cas croyez-moi après avoir lu « C’est toi ma maman ? » vous n’oublierez pas son nom : Bechdel, déjà un auteur au plutôt une auteure classique outre Atlantique.

Fun homeIl y a 6 ans avec « Fun home » elle crée un genre : le mémoire en cases dessinées qui visite « La Recherche du temps perdu » et l’œuvre de F. Scott Fitzgerald comme matériau temporel de la vie familiale. La puissance des découpages est telle qu’elle arrive apparemment sans effort à mener en même temps plusieurs récits. Et grâce à cette maîtrise tout nous intéresse : l’histoire autobiographique, les auteurs sur lesquels elle s’appuie, la technique graphique et coloriste -novatrice, subtile ,qui sublime l’ensemble …je lui donne la parole pour résumé le projet des deux livres : « C’est toi ma maman ? » met aussi en lumière la façon dont ma mère m’a appris à être un auteur, là où « Fun Home » était un livre sur la façon dont mon père m’avait appris à être une artiste.
À l’heure des tonitruants harangueurs sur la question du genre lire ces deux livres c’est être du côté de la littérature et des identités dans un plaisir de lecture qui parle autant à notre intelligence qu’à nos souvenirs d’enfance et à nos rapports à nos père et mère. Et pour boucler la boucle elle interroge l’acte d’écrire- avec comme chez Proust et Woolf cette subtilité du frémissement des émotions. Si la question se posait encore de savoir si la Bd est un art majeur (si si y en a qui.. .) le travail d’Alison Bechdel constitue l’une des plus passionnantes des réponses que vous trouverez à la bibliothèque. Pour conclure je pense que cette citation d’Antoine Compagnon à propos de Proust lui va comme un gant :

« Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. »

C’est toi ma maman? : un drame comique, par Alison Bechdel

Fun home : une tragicomédie familiale

Tous les deux édités par Denoël en 2013

 

Cet article a également été publié dans le Village mondial, n°46, édité par la Mission locale de Saint-Gilles.…

« Dans le silence du vent » de Louise Erdrich

Dans le silence du ventUne envie de lecture ??? Voici le livre coup de coeur qui a été présenté lors de notre  dernier club de lecture.

Louise Erdrich est une auteure américaine de mère indienne de la tribu Ojibwa. Elle a été élevée dans une réserve du Dakota où se situe le roman. Elle se bat pour transmettre la culture amérindienne qui est menacée et dénoncer l’injustice qui règne encore dans les réserves. Car ce que Toni Morrison a fait pour les Noirs, Louise Erdrich le fait aujourd’hui pour les Indiens.

C’est à la lecture d’un rapport d’Amnesty International datant de 1999 qui indique qu’une Indienne sur trois est violée au cours de sa vie et que la plupart de ces crimes restent impunis car leurs coupables sont des Blancs et ne peuvent pas de ce fait être jugés sur le territoire indien que Louise Erdrich décide de s’emparer du thème du viol pour en faire le sujet principal de son roman.

Nous sommes en 1988, Joe 13 ans, le narrateur de ce livre jardine avec son père, lorsque sa mère arrive, le visage tuméfiée, blessée à de nombreux endroits. Le père de Joe est le juge tribal de la réserve où ils vivent mais il n’a aucune compétence dès lors que c’est un Blanc qui a commis ce crime. En effet, la loi est très compliquée, le juge tribal a autorité sur le territoire de la réserve si et seulement si le crime est commis par un Indien. S’il s’agit d’un Blanc ses pouvoirs sont nuls et le coupable reste impuni.

Joe décide avec ses amis de mener l’enquête… Comment concilier le désir de justice de Joe et de sa famille et la limitation des pouvoirs qui créent une manière de non-droit ?

On est également bercé par les histoires indiennes racontées par le grand-père de Joe car évidemment la culture indienne est au centre de l’oeuvre de louise Erdrich.

Un livre qui m’a beaucoup appris et sur les institutions qui régissent les réserves indiennes et sur la culture indienne que ce soit en termes de fêtes, de cérémonies religieuses ou de mythes.…

Les immortelles, par Makenzy Orcel

immortellesJanvier 2010, la terre tremble à Haïti causant la mort de plusieurs milliers de personnes.

Au lendemain de la catastrophe, un prostituée de Port-au-Prince propose son corps à un client écrivain en échange de la promesse d’écrire son récit, leur récit, celui des Immortelles, les putains de la Grand-Rue.

Elle devient narratrice et dévoile ces portraits de femmes qu’on achète pour un instant de plaisir.

Elle raconte la rue, la misère, les clients et puis sa rencontre avec « la petite » : Shakira la fugueuse de 12 ans qui déteste sa bigote de mère et qu’elle a prise sous son aile.

La petite rêveuse avide de passion et de liberté qui aime tant les livres à qui elle a appris les ficelles du métier et qui devînt la plus belle et la plus convoitée de la rue.

La petite qu’elle vît mourir sous les décombres après 13 jours de souffrance. C’est pour ne pas l’oublier qu’elle raconte, pour ne pas les oublier. Un récit court, saccadé, cru et éblouissant, un véritable séisme émotionnel.

Et puis d’ailleurs… « la petite, elle le disait souvent. Les personnages dans les livres ne meurent jamais. Sont les maîtres du temps ».

Makenzy Orcel est né à Port-au-Prince en 1983. Les Immortelles est son premier roman.

Les immortelles / Makenzy Orcel. – Paris : Zulma, 2012

Cet article a d’abord paru dans Le Village mondial n°44

Le train, par Silvia Santirosi

couv. Le trainUne petite fille dont la mère vient de mourir raconte à son père le rêve récurrent qu’elle fait nuit après nuit : celui d’un train qui la laisse sur le quai, seule. L’auteur utilise la symbolique des rêves pour aborder la difficulté pour un enfant de continuer à vivre après la perte terrible d’un parent.
Son père va lui raconter une histoire pour l’aider à surmonter ses difficultés et son chagrin, celle d’un aveugle qui demande comment est la couleur blanche.
L’utilisation du conte comme méthode pédagogique est utilisée depuis la nuit des temps. Ici la question de la mort est abordée avec énormément de finesse par touches délicates : le pull de la maman disparue que la petite fille aime porter, l’étoile dans le ciel, le dialogue constant entre le papa et sa petite fille.
Les illustrations grisées faits de dessins aux crayons et de collages traduisent des émotions fortes telles que la peur ou la souffrance mais aussi l’amour.

Le train de Silvia Santirosi illustrations de Chiara Carrer
OQO Editions, 2012

Cet album sur le thème de la mort rejoint d’autres titres que la bibliothèque possède. Nous vous conseillons, entre-autres, les albums suivants : « Quand la mort est venue » de Jürg Schibiger ; « Dans le jardin, la libellule est morte » de Cheon Jeong-cheol, un magnifique album d’après un poème coréen; ou encore le très poétique «Il faut le dire aux abeilles » de Sylvie Neeman ; ou le plus humoristique « Mais pourquoi ??! l’histoire d’Elvis » de Peter Schössow.

Cet article a paru également dans le Village Mondial n°44

Gagnant du prix Ado-Lisant 2013 et Farniente (basket jaune) : “Terrienne” de Jean-Claude Mourlevat

16788_aj_m_2332Le prix Ado-Lisant 2013 vient d’être attribué !

C’est le livre de Jean-Claude MourlevatTerrienne,  déjà connu pour la plupart lors de la sélection 2013 dans notre bibliothèque. Si vous désirez en savoir plus  sur ce concours adressés aux adolescents ou pour connaitre la sélection 2014, allez regarder  sur le site officiel du concours.

Mais ce livre  fait également partie du prix Farniente dans la catégorie basket jaune (13 ans et +).pf1882a

Les autres lauréats sont : Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre de Ruta Sepetys dans la catégorie basket verte (15 ans et +) et J’me sens pas belle de Gilles Abier dans la catégorie basket orange (17 ans et +).

Ces livres sont également disponibles dans notre bibliothèque.

Interview de Jean-Claude Mourlevat à l’occasion du 27e salon du livre et de la presse jeunesse qui s’est déroulé à Montreuil du 30 novembre au 5 décembre 2011 :

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=5NIAxRnbVWc&w=560&h=315]

Madame le Lapin blanc, par Gilles Bachelet

lapin2 Vous connaissez bien sûr le Lapin blanc d’Alice au Pays des Merveilles. Vous savez, celui qui court partout, parce qu’il est en retard…

Mais vous ignorez sûrement qu’il est marié et père de famille.

Dans cet album, Gilles Bachelet donne la parole à Madame le Lapin blanc. Il faut dire qu’elle n’a pas la vie facile avec ses six enfants et ce bizarre chat transparent qu’ils viennent d’adopter. Sans parler de la drôle de jeune fille qui a débarqué à l’improviste et qui passe son temps à changer de taille.

Alors, pour fuir son quotidien monotone, elle se confie à son journal intime et se prend à rêver que son mari soit plus attentionné…

Vous passerez des heures à regarder ce magnifique album dont les illustrations fourmillent de détails amusants et de clins d’oeil à l’œuvre de Lewis Caroll.

A partir de 7 ans et au-delà.

Madame le Lapin Blanc, texte et illustrations de Gilles Bachelet, éditions du Seuil, 2012

Tout au long de la route

SKMBT_22313030615090Tout au long de la route de Frank Viva

Ed. Albin Michel jeunesse

Quel splendide album que celui-là, un véritable coup de cœur littéraire !

Frank Viva est canadien, il signe avec « Tout au long de la route » son premier album jeunesse. Illustrateur et designer, il dirige une agence de design à Toronto et réalise entre-autres les couvertures du magazine « The New Yorker ».

Un cycliste en  pull rouge et short gris s’élance à vélo sur une belle route jaune en relief qui se découpe sur un fond noir. Petits et grands ne pourront pas s’empêcher de la suivre du doigt dans la longue boucle qu’elle forme de la première –  en traversant les pages du livre – jusqu’à la quatrième de couverture. On s’amuse aussi à observer la course du cycliste qui passe par monts et par vaux. Tiens un tunnel ! Oh une bibliothèque ! Et puis des bateaux, un pont et une maman et son chien !

Le personnage sur son vélo nous fait – bien sûr – penser à Jacques Tati et son célèbre Monsieur Hulot.

La palette des couleurs utilisée qui va des tons bleus-gris, blanc-crème ou jaune foncé avec la touche rouge du t-shirt, les dessins minimalistes tout en lignes et en courbes, la qualité du papier en font un bel objet-livre.

Pour les 3 ans et plus……

La gigantesque petite chose, par Béatrice Alemagna

Gigantesque petite choseElle passe, elle file et glisse, parfois on la cherche, parfois on la touche sans le savoir ou elle est cachée dans une larme… En fait de cette petite et gigantesque chose on en parle dans les journaux, dans bien des livres et puis entre amoureux. Elle est invisible et pourtant il faut qu’elle soit là très souvent sinon la vie ne serait pas la même. Elle a une histoire longue comme la barbe du Père Noël et mystérieuse comme le voyage que font les nuages quand nous dormons.

Cet album très poétique au texte ciselé est riche en techniques picturales mélangées et le rêve s’invite à la table de la gigantesque petite chose. Un très bel album à lire à partir de 4 ans et à savourer à voix haute, un pur …bonheur !!! (Oups il m’a échappé…)

Cet article a paru précédemment dans le Village mondial n° 43, édité par la Mission locale de Saint-Gilles.

La gigantesque petite chose Béatrice Alemagna, éd. Autrement, 2011.

 

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Semez pour résister !, par Josie Jeffery

Semez_illustrationVotre vi(ll)e manque de fleurs ?  Essayez les bombes à graines !

Des bombes à graines ??

Ce sont des boulettes d’argile mélangée à du compost ou du terreau et contenant des graines.  Lancez-les n’importe où : En ville, dans les terrains vagues, le long des chemins ou simplement dans votre jardin.  Attendez ensuite que la nature fasse son travail pour voir germer les graines et grandir et fleurir des plantes.

Ce précieux guide, vous initie à la fabrication de ces petites balles magiques. Il vous propose un catalogue d’une quarantaine de variétés florales avec leurs caractéristiques ainsi que leurs besoins (type de dol, ensoleillement, …), le moment où récolter les graines et à quel moment les disséminer.  L’auteur vous conseille également une dizaine de mélanges de graines pour attirer les papillons ou les oiseaux, ou encore pour régaler vos yeux, vos narines, … ou vos papilles.

Elle attire également votre attention sur votre responsabilité citoyenne : pas de largage de bombes dans le jardin de vos voisins ou autres propriétés privées; et sur votre responsabilité envers les graines :  lancez-les dans des endroits où elles auront toutes les chances de germer et de s’épanouir.

Un petit livre bien illustré, pratique et bien agréable à consulter.

Cet article a paru précédemment dans Village Mondial n°43, édité par la Misison locale de Saint-Gilles

Semez pour résister ! L’art et la pratique des bombes à graines, par Josie Jeffery, Edition Plume de carotte, 2012.